Stage au CSSSPNQL, une expérience riche et unique
En tant qu’étudiante de 3e année en génie biomédical à Polytechnique Montréal, en date du mois d’avril 2023, j’avais déjà réalisé mon stage obligatoire et me cherchais une expérience de stage supplémentaire sortant de l’ordinaire. C’est alors que j’ai vu le poste de stagiaire en génie biomédical à la Commission de la Santé et des Services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL) et que l’aventure a commencé.
Des enjeux précis
De la mi-mai à la mi-août, j’ai dû emménager à Québec pour réaliser mon stage qui se déroulait tout près de Québec, à Wendake, chef-lieu de la nation huronne-wendat et de son territoire coutumier, le Nionwentsïo. D’une superficie de 1,1km2, la ville de Wendake est traversée par la rivière Saint-Charles, dont le nom en wendat est Akiawenrahk, soit « rivière à la truite ».
La CSSSPNQL a pour but, entre autres, d’outiller et d’orienter les communautés des Premières Nations non conventionnées dans l’offre de leurs services sociaux et de santé. Ces communautés, composées de 7 nations différentes et de 26 communautés, sont éparpillées sur l’ensemble du territoire provincial québécois. Ainsi, mon mandat en tant que stagiaire en génie biomédical était en lien avec le déploiement d’un dossier médical électronique (DMÉ). Avant le DMÉ, la majorité des communautés utilisaient la méthode papier pour la prise de notes des dossiers médicaux. Le déploiement du DMÉ dans chacun des milieux de santé s’est finalisé en fin d’année 2022, et il a été remarqué que certaines communautés ne l’utilisaient pas encore de manière optimale.
L’immersion à la CSSSPNQL
C’est alors que je rentre en jeu. Mon rôle principal est d’analyser l’utilisation des fonctionnalités de base et des fonctionnalités supplémentaires du DMÉ dans chaque milieu afin d’émettre des recommandations dans l’objectif d’optimiser l’utilisation de la plateforme. Le tout devait se faire en collaboration en tout temps avec les utilisateurs et en prenant compte des enjeux spécifiques à chacune des communautés. En effet, chaque communauté a sa propre gouvernance et est complètement autonome dans ses prises de décisions. Notre rôle à la CSSSPNQL n’a aucun pouvoir d’imposition des méthodes, mais bien d’établir une relation de confiance par le partage et l’échange de connaissances. Chaque communauté décidera de leur adoption si les solutions émises leurs conviennent.
Une expérience qui marque à vie
Aussi, le vécu des communautés s’avère bien différent d’une communauté à l’autre et les réalités du quotidien de chacune d’elles varient largement. Par conséquent, les communautés sont confrontées à différents enjeux. Par exemple, certaines sont plus isolées que d’autres, ce qui rend l’assistance plus difficile; d’autres connaissent souvent de grands roulements de personnel rendant l’implantation de processus de travail durable tout aussi difficile. Certaines n’ont que récemment été connectées à l’Internet, ce qui rend le niveau de littératie informatique assez bas et complique ainsi le déploiement d’un DMÉ. L’objectif final de mon stage est donc de rédiger un rapport de recommandations à la CSSSPNQL.
Le déroulement : j’accompagnais mes collègues lors de formations destinées à différents groupes d’utilisateurs issus des centres de santé des Premières Nations sur le DMÉ et l’analyse de données. Les centres de santé nous contactaient lorsqu’ils rencontraient des enjeux pour établir certains processus et nous devions agir à titre de conseillers.
Ma mission comprenait également la participation au déploiement du volet social du DMÉ pour une communauté installée sur la Côte-Nord : Uashat mak Maliotenam. Il s’agit d’une communauté innue divisée en deux à 14 km de distance l’une de l’autre, mais gérées par un même conseil de bande, d’où le terme mak qui signifie « avec » en innu. La partie Uashat est située au cœur de la ville de Sept-Îles alors que celle de Maliotenam est plus isolée.
Au cœur des décisions
J’ai eu la chance d’assister aux rencontres prédéploiement avec la compagnie impliquée dans le processus d’implantation de solutions cliniques. Durant ces rencontres, il fallait prendre en considération la manière dont le personnel intervenait auprès de leur clientèle afin de s’assurer d’établir des procédures de travail adaptées à la plateforme pour optimiser leur travail. De plus, il nous fallait soulever tout enjeu (ex: confidentialité des données médicales) que nous pouvions prévoir quant à l’utilisation d’un dossier unique combiné avec les services de santé. J’ai également assisté aux formations à distance du personnel pour cibler les personnes qui pourraient avoir besoin de plus d’accompagnement. Finalement, lors du «?GO-Live?» en présentiel, j’ai eu la chance de me rendre sur communauté pour accompagner le personnel lors du déploiement. J’ai passé une semaine à me déplacer entre les sites d’Uashat et de Maliotenam, afin de former les membres du personnel, les orienter, répondre à leurs questions et aider à l’amélioration des processus de travail. À la fin de la semaine, mes collègues et moi avions établi une liste de recommandations à présenter aux gestionnaires pour mieux encadrer leur équipe dans les semaines d’adaptation à venir. Il nous fallait cibler les défis à prendre en considération, proposer des pistes de solutions concernant l’accompagnement des personnes ou des services et soumettre des ajouts à effectuer dans la plateforme afin de faciliter la transition.
Le personnel à Uashat a été très accueillant et ouvert à notre offre de soutien. Soulignons ici le partage et l’écoute qui sont des valeurs primordiales chez les membres de la communauté, ce qui a largement facilité le « GO-Live ». Grâce à cet accueil et à cette ouverture d’esprit, je ne me suis jamais sentie comme une simple stagiaire, mais bien comme une réelle employée de la CSSSPNQL avec des idées et des remarques qui méritent d’être entendues.
Des résultats instantanés
C’est lors de cette semaine que j’ai pu vraiment voir l’impact du travail réalisé lors des rencontres préalables, d’une part, quant au gain de temps que le DMÉ permettra de gagner, et d’autre part, surtout quant à la meilleure qualité de traitement qu’auront les clients du centre communautaire. J’ai pu observer des intervenants accusant des mois de retard sur la rédaction de leurs notes cliniques, mais grâce à l’utilisation du DMÉ, ils ont pu rapidement rattraper ce retard tout en continuant d’offrir la même qualité de services. Il s’agit de la partie du stage m’ayant le plus marqué, soit de savoir que le travail qui a été réalisé dans un laps de temps très court peut avoir un si grand impact dans le travail, et par le fait même, dans la qualité de vie des utilisateurs du DMÉ et de leurs patients.
L’expérience de stage acquise lors de mon passage à la CSSSPNQL a été l’une des expériences les plus enrichissantes que j’aurais pu vivre et je suis très reconnaissante envers l’Institut TransMedTech qui a pu le financer. Je tiens également à remercier la CSSSPNQL de m’avoir accueillie comme stagiaire au sein de leur organisme et de la confiance qui m’a été attribuée. J’ai été confrontée à de nouveaux défis semaine après semaine. J’ai eu la chance d’en apprendre plus sur la réalité des communautés autochtones non conventionnées, sur leur histoire et leur culture. J’ai pu mettre rapidement à profit mon esprit d’analyse et de résolution de problème en étant continuellement confrontée à différents enjeux propres à chaque communauté. Il nous fallait constamment adapter nos solutions à différentes réalités. Les centres de santé doivent produire des rapports annuels quantifiant le travail réalisé au cours de l’année financière, ce qui m’a permis d’approfondir mes connaissances sur l’analyse de données et sur les statistiques, des notions que je n’avais qu’effleurées à Polytechnique. Ce stage m’a également donné l’occasion d’en apprendre plus sur la gestion de changement, qui ne m’avait pas été enseignée sur les bancs d’école.
Elisa Aouchiche